Le casernement de Lagatjar sur les hauteurs de Camaret-sur-Mer
est aujourd'hui une colonie de vacances mais par le passé, lors de sa
construction en 1899 et son inauguration en 1900 par la venue du 18ème
bataillon d'artillerie à pied, se fut la résultante d'une situation géopolitique
grave.
L'affaire commence à Fachoda au Sud Soudan. Le Soudan est convoité par
plusieurs nations européennes dont la France et le Royaume-Uni. Des troupes
cherchent des alliances avec des tribus locales et se battent contre des
ennemis politiques. La région est instable.
L’Angleterre occupe Fachoda, puis, au cours d'un redéploiement, quitte
la position. La France en profite pour s'installer en lieu et place. L'armée
britannique de retour n'apprécie pas cette occupation jugée illégitime.
Les diplomaties s'enflamment, chacune criant à l'agression. En septembre
1898, la France et le Royaume-Uni sont prêts à se faire la guerre. Les
presses nationales s'activent à animer les désordres... Le Daily Mail
parle d'une guerre inévitable en se fiant aux déclarations du vice-amiral
Fournier.
La Royale Navy navigue au large de Brest prête à entrer en action. Le
gouvernement français regroupe des troupes pour servir les batteries côtières
de Camaret (Kerbonn et Toulinguet). L'affaire se dégonfle subitement par
l'abandon du poste par les troupes françaises. Les Français se sentent
humiliés. Les rancœurs à l'encontre des Britanniques est exacerbée par
les journalistes. La 3ème République est fragile, corrompue. Il est décidé
de maintenir un état de guerre sur les côtes dont celles de la Presqu'île
de Crozon. Les Camarétois ont vécu la hantise de cette guerre.
A l'arrivée du 18ème d'Artillerie, les exercices de tir à la mer durent
des journées entières. Le matériel de guerre circule attelé. La troupe
est en alerte. Le vacarme est complet.
La troupe occupe le casernement neuf de 200 lits de Lagatjar qu'elle surnomme
l'Alcazar. Le soir venu les militaires animent les débits de boisson et
les soirées s'achèvent dans le désordre. Un arrêté municipal ferme les
débits à 22 heures.
Progressivement la tension internationale baisse et ceci d'autant qu'un
ennemi commun prend le devant de la scène : l'Allemagne. Le 18ème d'artillerie
participe à la vie sociale et crée une compagnie de théâtre en 1907. En
1910, ce même régiment descend de son casernement au pas de gymnastique
pour participer à l'extinction de l'incendie de la chapelle de Rocamadour
sur le sillon de Camaret-sur-Mer.
L'abandon du casernement par la troupe française semble être lié à la
fin de la première guerre mondiale voire quelques années plus tard tout
au plus. Ensuite le casernement loge 22 familles civiles jusqu'à leur
expulsion à l'été 1937. Une colonie de vacances pour les enfants de militaires
et du personnel civil de l'arsenal de Brest est prévue. Le casernement
sera réinvesti lors de la seconde guerre mondiale par l'armée d'occupation
allemande qui réutilisera la batterie française de Kerbonn après l'avoir
grandement développée. Le casernement reçoit les troupes du RAD tout particulièrement.
Après guerre, le casernement deviendra un centre de loisir militaire.
°°°
Le 23 juillet 1899, la mairie de Camaret-sur-Mer, sur injonction de la Marine, cède les terrains auprès des alignements de Lagatjar.
RAD Le Reichsarbeitsdienst présent à Camaret dès 1940
Le RAD (Service de travail du Reich) détient une première
forme dès 1933 qui suggère fortement aux jeunes sortis des écoles de travailler
6 mois avant leur service militaire de deux ans afin d'entrer en université.
De la suggestion à l'obligation il n'y eut qu'un pas. Cet organisme étatique
national-socialiste du troisième Reich conditionne la jeunesse à une autorité
militaire. L'uniforme est obligatoire et l'arme avant guerre est une pelle
maniée comme un fusil avant présentation au drapeau. Le service des filles
est moins fourni et moins exigeant.
Lorsque la guerre s'installe dans la durée, le service de six mois est
réduit à six semaines de classes militaires et un envoi dans les zones
occupées pour effectuer des missions de travail.
La caserne de Lagatjar est occupée un temps à partir du 6 décembre 1940
par 189 jeunes Allemands de la 9ème compagnie du RAD 303 qui vont sur
le chantier de la batterie du Gouin au sein de laquelle, ils exécutent
des travaux de terrassements parmi des prisonniers de guerre, des travailleurs
requis. Ils creusent les tranchées
dans la rocaille entre les points de défense afin que l'armée régulière
puisse circuler à couvert jour et nuit.
Les jeunes Français font du commerce avec eux en leur vendant des œufs
durs dont ils raffolent, des gâteaux et de l'alcool au travers du grillage
du casernement. Les commerçants augmentent les prix, les petits revendeurs
aussi, personne ne bronche... Dès que les travaux les concernant sont
achevés, ils repartent sur d'autres chantiers jusqu'à ce qu'ils soient
incorporés à l'armée.
Le Reichsarbeitsdienst (RAD) n'est pas lié aux jeunesses Hitlériennes,
il est dissout en 1945.