Les menhirs de Camaret-sur-Mer ne se résument pas qu'aux fameux alignements de Lagatjar. Ces derniers n'ont pas l'importance de leurs origines. Certains préhistoriens supposent que toutes les hauteurs de la pointe du Gouin et celle du Toulinguet jusqu'à la pointe de Pen-Hir constituaient un immense site mégalithique. Il faut donc imaginer des centaines de menhirs face à l'océan, proches des "étoiles".
Les alignements de Lagatjar
Les ruines du Manoir de Saint-Pol-Roux en fond.
Les menhirs dans la brume de mer qui vient juste de s'étaler sur le site. Ciel bleu en altitude.
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Les alignements de Lagatjar sur la commune de Camaret-sur-Mer
proche de la Pointe
de Pen-Hir sont les restes d'alignements mégalithiques (3000 – 2500
avant JC) plus importants. Ils sont supposés être des alignements astrologiques
sans pour autant ne disposer d'aucune certitude. Il y aurait eu 600 menhirs
décomptés en 1776. En 1883, devenus monuments historiques, le comptage
descend à moins d'une centaine. Certains menhirs sont couchés, d'autres
ont été réutilisés pour des constructions et comme pierres concassées
pour stabiliser les routes alentours. En 1926 (la date varie selon les
sources de 1926 à 1928), 74 menhirs tombés seront relevés grâce au mécénat
de l'écrivain Saint-Pol-Roux, propriétaire d'un manoir
à proximité mais aussi avec la participation de l'Institut Finistérien
d'Etudes Préhistoriques, et l'influence du préfet du Finistère et du député.
Les alignements sont un F majuscule à l'envers face à la mer.
Le nom de Lagatjar serait issu de l'expression bretonne "Lagat-yar"
= "Œil de poulet". Des préhistoriens s'avancent sur l'hypothèse
de la pratique du sacrifice de poulets dans les cérémonies cultuelles
organisées sur une pierre de sacrifice.
Rien que des propositions d'historiens : le culte d'alors pourrait avoir été lié aux divinations concernant le destin des individus. Le ciel, les astres organiseraient une vie pré-écrite des hommes. Des cérémonies dans des lieux dégagés permettaient à une population d'être au contact d'un ciel qui donnait l'orientation à suivre pour survivre.
Une agrafe de bronze pour éviter l'effritement complet.
Le commandant Bénard Le Pontois (à droite de la photo), président de l'Institut Finistérien d'Etudes Préhistoriques, dirige avec Mr Gaston Chabal architecte des monuments Historiques , Mr Belhommet et Mr Le Cordenner les travaux de relèvements.
A gauche, le commandant Le Pontois, au centre le poète St Pol Roux.
Des pierres sur un lieu de prélèvement.
La provenance des blocs de pierre est désormais établie comme étant une extraction de proximité dans les falaises locales. D'ailleurs certains blocs abandonnés sont considérés comme des menhirs en préparation qui n'ont pas été déplacés sur quelques centaines de mètres pour une raison inconnue.
Table de sacrifice ou pierre des sacrifices
Si cette pierre s'avérait être une table de sacrifice avec sa "cuvette" de sang (tâche sombre d'eau de pluie stagnante), celle-ci conforterait la supposition que les alignements de Lagatjar se poursuivaient bien plus longuement que la représentation actuelle. Les pierres de sacrifice sont souvent proches de menhirs car ceux-ci auraient un lien avec les constellations du ciel.
Durant la période finale du néolithique pendant laquelle
les hommes sont sédentaires, ces derniers développent des lieux de vie
et des lieux de vénération. Parmi l'expression de ces croyances inconnues
aujourd'hui, il semble que les cérémonies sacrificielles aient eu une
place majeure dans l'existence des peuples.
Des historiens considèrent la pierre creuse en bord de falaise devant
le rocher du Lion comme une pierre de sacrifice, couramment appelée aussi
table des sacrifices. Sacrifices animaliers, sacrifices humains, on ne
sait rien de précis de ces fêtes envers des dieux oubliés. Une date de
célébration est avancée, vers le 9 août, un peu plus tard désormais (11
au 15 août), lors des nuits claires quand les Perséides tombent du ciel.
Une pluie d'étoiles filantes issue de la constellation de Persée fils
de Danaé et de Zeus, "sombre" dans la mer. De quoi s'inquiéter
si le ciel doit lui aussi tomber sur la tête des incrédules. Les Quadrantides
de janvier et les Géminicides de décembre sont plus difficiles à voir
à cause de la couverture nuageuse.
Une fois les incantations livrées à l'écoute des cieux, on jette les corps
et les restes dans une fosse au titre d'offrandes aux dieux.
Quelques rites sont ensuite récupérés par la religion chrétienne, ainsi
les Perséides deviennent les larmes de Saint Laurent, les sacrifices en
moins et la peur des enfers en plus.
Le site des rituels est envahi par la construction d'un encuvement de projecteur militaire de marine datant de 1932.
Les menhirs de Coecilian
Le menhir le plus grand 1.5m.
Le menhir d'une taille de 0.80m.
Un menhir couché.
Les menhirs de Coecilian du prénom du fils disparu à la guerre du poète Saint Pol Roux dont les ruines du Manoir sont juste au Sud, sont regroupés dans les prunelliers de la lande. A l'Est, les alignements mégalithiques de Lagatjar. Les trois petits menhirs ont-ils un lien avec cet alignement dorénavant très incomplet ?
Pierre et maison du Conseil en Camaret-sur-Mer
Avant 2024.
Ancien poste de douane en second plan.
La Pierre du Conseil 2024.
La « Pierre du conseil » appelée aussi la « Vigie » fut
longtemps considérée comme un dolmen chahuté par les humains qui en aurait
perdu sa forme et sa fonction originelle, c'est-à-dire celles d'une sépulture
néolithique. Plus récemment, l'idée du dolmen fut abandonnée. Il s'agirait
d'un simple empilement naturel de gré armoricain qui trouve son pendant
dans la tête du Bolchevick non loin de là. Les vieux pêcheurs sardiniers
se réunissaient régulièrement en ces lieux pour scruter la mer d'Iroise
afin d'en donner le conseil aux jeunes générations. Il s'agissait donc
d'une station météorologique avant l'heure. C'était aussi l'occasion de
bonnes rasades dans le corps de garde du signal de Penhoat (sémaphore
de Camaret) à trente pas. Une fois les décisions prises, on descendait
tant bien que mal pour rendre compte au port.
Une autre version légèrement différente indique que des capitaines de
cabotage qui mouillaient dans le port de relâche de Camaret-sur-Mer, venaient
voir la fin des tempêtes sur les hauteurs de cette pierre avant de repartir
naviguer avec l'équipage. Cette histoire est attestée au début du 18ème
siècle. Cela sous-entend que les conseils s'échangeaient avant que l'armée
française n'occupe les sols avec ses signaux sémaphoriques du 19ème siècle.
A la grande époque, il n'y avait pas de chemin comme aujourd'hui, on y
allait par les dunes entre les ajoncs.
La Pierre du conseil est un lieu-dit recensé par l'administration dont les seuls habitants (1866) sont la famille Largenton, soit le mari, Joseph, qui est aide-boulanger à Camaret et son épouse, Marie-Jeanne (née Le Guen), qui est cultivatrice sur place – Ils ont trois enfants. En 1872, on compte deux familles : René et Raoul... Pêcheurs et journaliers. Le site est exposé à tous les vents, toutes les pluies, il est donc probable que les familles devaient être particulièrement pauvres pour y résider.
Les deux dolmens de Rigonou en Camaret-sur-Mer
Localisation des deux dolmens de Rigonou.
Deux dolmens ont été recensés par le passé au Nord du hameau de Rigonou. Selon certaines sources ces vestiges de dolmens insérés dans le talus d'un chemin constituaient des éléments d'une allée couverte mégalithique. D'autres sources se contentent de parler de deux petits dolmens. Aujourd'hui, c'est seulement en hiver que des pierres sont visibles quand la végétation annuelle est absente. Ces dolmens sont proches de la mer, au bord de l'anse de Camaret-sur-Mer.
Une pierre de sacrifice ?
Le rocher du Lion à l'horizon et la table de sacrifice en premier plan.
Le phare du Toulinguet en fond au sein du fort du Toulinguet, la plage de Pen Hat/Had en second plan avec ses grottes.
La pointe de Pen Hir en arrière plan avec la croix de Lorraine...
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Au hasard d'une pierre plate sur le bord des falaises de
la pointe du Toulinguet, soupçonnée, sans la moindre certitude, d'avoir
été une pierre de sacrifice druidique, l'occasion est donnée de rappeler
que les druides n'avaient rien de sympathiques et que leurs activités d'herboristes
à vocation médicinales n'étaient qu'une infime partie de leurs pratiques
cruelles qui avaient heurté l'émotivité romaine lors de la conquête de
la Gaule en 52 avant JC.
Les druides, afin de guérir un malade utile à leur cause, faisait égorger
un innocent de la population locale sur une table, une pierre sacrificielle,
ceci en offrande aux dieux. Si les dieux étaient satisfaits, le malade
guérissait ; dans le cas contraire, un nouveau sacrifice devenait utile.
Par de telles pratiques, le pouvoir des druides était difficilement contestable
et le sacrifié était peut-être un hypothétique contestataire... On égorgeait
donc fréquemment et on éviscérait aussi avec cruauté un sacrifié plein
de vie, sans drogue, de tout âge, selon le sens donné à la cérémonie publique
qui ne manquait pas de marquer les esprits. L'immolation à vif se pratiquait
aussi, plus dans un but de purification et de sanction pénale cette fois...
Jusqu'à quel millénaire avant Jésus Christ faut-il remonter pour trouver
l'origine de ces pratiques ? Nul ne le saura jamais. Les druides ne pratiquaient
pas l'écriture et les secrets de leur magie étaient enseignés discrètement
à des "élus", durant 20 ans, avant de passer à la pratique.
Seuls des historiens romains du début de notre ère, consignèrent des pratiques
druidiques sans pour autant s'éterniser sur le sujet. César lui-même en
fit mention dans « La guerre des Gaules ».
Pline écrit : Tiberii Cœsaris principatus subtulit Druidas ; le principat
de Tibère fit disparaître les druides. Suétone écrit plus tard : Druidarum
religionem Claudius penitus abolevit ; Claude abolit entièrement la religion
des druides.
Les romains organisaient des sacrifices humains jusqu'au règne de l'empereur
Auguste (-27 av JC + 14 ap JC) puis ce dernier l'interdisit. Dans un souci
d'harmonisation de l'empire romain, l'interdiction fut générale. En Gaule,
elle s'accompagna d'une nuance de taille, le droit pour les druides de
présenter des simulacres de sacrifice humain. On badigeonnait le faux
sacrifié de sang animal. Il devait sans doute brailler pour plus de crédibilité.
Cette pratique amoindrie entama sérieusement la puissance des druides
qui s'évapora au 7ème siècle après JC au bénéfice des guérisseurs/sorciers
moins organisés mais pas moins craints et pourchassés par l'Eglise romaine.
Le culte druidique ne fut donc pas supprimé jusqu'à l'égorgement des druides
comme quelques textes le mentionnent (18 et 19ème siècle pour beaucoup)
mais aménagé afin que la politique romaine pénètre les mentalités sans
risque de heurts voire de révolution car les druides dirigeaient, les
mœurs, la justice, l'économie. Ils étaient capables d'orchestrer des agitations
populaires incontrôlables.
La presqu'île de Crozon subissait une influence de taille, l'influence
de la Bretagne (les îles britanniques) qui poursuivit les sacrifices humains
malgré l'occupation romaine trop fragile pour être influente. La présence
romaine en presqu'île est indiscutable mais à savoir si les sacrifices
furent suspendus en la présence de l'armée romaine en cantonnement...
Rien ne le dit... Est-ce que la répartition progressive de la chrétienté
remplaça le rite païen par une promesse de paradis après la souffrance
terrestre, ce n'est pas improbable d'autant que la plupart des militaires
romains, après 20 ou 30 ans de service dans l'armée, restèrent sur place
pour devenir agriculteurs en ayant épousé une gauloise et ses croyances
ancestrales tout en étant à l'écoute des rumeurs paradisiaques novatrices.
Cette pierre concave du Toulinguet est proche des mégalithes de Lagatjar.
Quelques écrits affirment qu'il y avait là un camp romain, d'autres font
la promotion de cette table de sacrifice qui ne serait pas la seule de
la presqu'île, celle de Kerbonn en serait un autre exemplaire... Tout
cela est empli de forts doutes mais y croire un peu contribue aux légendes
ambiantes pour lesquelles la vérité est tout à fait secondaire.