Histoire des moulins à vent, à eau et à marée

Moulin tour à vent de Luzéoc en Telgruc-sur-Mer.

Vestiges du moulin à marée du Fret en Crozon.

Vestiges d'une meule du moulin à eau du Val en Roscanvel.

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Toutes cultures de céréales à destination de l'alimentation humaine, de toutes les époques d'un lointain passé, nécessitaient la mouture des grains pour en obtenir de la farine. Que ce fut pour diverses galettes ou pains, cette farine assurait la nourriture de base des plus pauvres aux plus riches. Cette mouture des grains se faisait par des meules à bras que des paysans maniaient jusqu'à l'extrême fatigue jusqu'à ce qu'au retour des Croisades du Moyen-âge des Seigneurs de guerre reviennent avec l'idée en tête de construire des moulins à vent ou à eau comme ceux qu'ils avaient vu au Moyen-Orient durant leurs périples guerriers.

La presqu'île de Crozon étant un ensemble de seigneuries – Comté de Crozon – Baronnie de Poulmic – Marquisat de Rosmadec – Seigneurie de Launay – Seigneurie du Lez – Seigneurie abbatiale de Landévennec, sachant que 20% des revenus financiers de chacune sont liés à la production de farine grâce aux banalités (versements monétaires réguliers), chaque seigneur se fait construire des moulins à vent, à eau, à foulon ou à marée pour assurer à son fief un rayonnement incontestable. Chaque rang de noblesse offre des prérogatives d'installation du moulin. Les vassaux se contentent de construire leurs propres moulins à 4466 mètres minimum de leur seigneur.

La presqu'île est ainsi quadrillée de moulins de tous types selon la topographie et chaque paysan est affecté à un moulin sans discussion possible. Le meunier dispose d'un bail d'exploitation envers le seigneur propriétaire et se rémunère au 1/16ème de farine selon la Coutume de Bretagne. Chaque céréale est broyée par des meules adaptées à sa résistance mécanique. Aux céréales tendres les meules en pierres tendres (froment – avoine – orge) et inversement aux céréales dures les meules en pierres dures essentiellement le seigle. L'entretien du moulin est sous le régime des corvées infligées aux paysans.

Au cours du 18ème siècle quelques autorisations sont accordées à des fermiers aisés pour construire un moulin hors statut de moulin seigneurial. Seigneurie en déliquescence, transfert d'influence, calcul politique pour contrecarrer une seigneurie rivale, qu'importe les raisons, cette rare ouverture fissure la main-mise féodale ou cléricale sur les terres.

La Révolution Française est sensée briser définitivement les privilèges et les prix dispendieux imposés aux populations... Simple espoir car si la noblesse n'ose plus se montrer, une nouvelle classe aisée va investir dans une nouvelle génération de moulin et faire pousser ceux-ci comme des champignons dans le moindre courant d'air, sur le moindre ruisseau et ceux-ci aux tarifications identiques... On se dispute l'accès aux rus en contestant le droit de l'eau. Des procès à n'en plus finir se tiennent entre voisins. Notaires, bourgeois, boulangers fortunés, chacun y va de son moulin au 19ème siècle et les voiles blanches se voient de partout au large. Plus de cent moulins sont en fonctionnement, certains le temps d'une saison parce que le vent est capricieux, la sécheresse des ruisseaux est parfois intarissable et les faillites qui en découlent nombreuses.

La consommation de la farine est modeste en presqu'île car le pain est trop cher. La farine est livrée à Brest par bateau pour beaucoup aux casernements et le reste aux civils. Sans ces achats massifs, les moulins n'auraient pas survécu à la Révolution. Cependant, les stratèges militaires s'inquiètent de cette prolifération et se demandent si parmi ces meuniers il n'y aurait pas quelques espions ennemis qui communiqueraient avec une flotte hostile croisant au large. Certains moulins à vent surplombent des batteries côtières hauts lieux de dissuasion qui nécessitent une certaine discrétion. Rien ne sera avéré au final.

Survient la première guerre mondiale, la mobilisation des meuniers et des paysans. La fin des moulins est annoncée par leurs abandons. L'après guerre permet aux moulins les plus performants de survivre un temps mais la rentabilité s'érode, les frais d'entretien augmentent. Les moulins à eau sont deux fois plus rentables que les moulins à vent trop dépendant de l'énergie éolienne très variable... Dans les faits, seul le moulin à marée de Landévennec sort son épingle du jeu, il est véritablement actif avec ses deux marées quotidiennes qui lui assurent un mouvement quasi permanent.

Dans d'autres régions agricoles, la mécanisation des moulins grâce à des fonds industriels relègue la meunerie artisanale d'autant plus que l'agriculture presqu'îlienne n'aura de cesse de décroître. Lors de la seconde guerre mondiale, l'armée d'occupation allemande rase quelques moulins pour éviter qu'ils ne constituent des repères de navigation aérienne ou navale, d'autres sont décoiffés pour recevoir un canon anti-aérien. Aujourd'hui, quelques moulins en Crozon subsistent souvent à titre de propriété privée et aménagés en demeure sans ailes.