Carrières de microgranite - pavés de l'Île Longue

La côte de Rostellec en microgranite. L'île de Trébéron aussi.

Les pavés de microgranite.

Microgranite gris et ocre jaune.

Front de coupe d'une carrière de Rostellec.

Eclats de taille sur la grève.

Bâtis environnants en microgranite.

Jointoiement en chaux avec du sable de microgranite et autres granulats.

Microgranite.

Les carrières de microgranite de l'Île Longue* en presqu'île de Crozon ont été un bassin d'emplois pour les habitants des villages voisins (Bot Huelc'h - Kermeur - Kernaleguen - Le Mur - Rostellec). Ainsi les habitants avaient le choix entre les métiers de l'agriculture, de la pêche et des carrières. Un avenir professionnel qui avait une régularité annuelle, ce qui n'était pas le cas des paysans et des pêcheurs qui s'épuisaient en certaines saisons et moindrement en d'autres mais avec la faim au ventre. Le métier de carrier était bien vu par son salaire certes modique mais récurrent. Certains ouvriers faisaient 4 à 5 km à pied matin et soir pour embaucher quand leurs pentys (maisons) se trouvaient éloignés. Un salaire méritait que l'on passât outre la fatigue. D'autres choisissaient de louer une partie d’une étable, un grenier, pour dormir sur place la semaine.

Du 16ème siècle qui utilisait la force physique et l'infiltration d'eau dans les failles de la roche avec des cales en bois gorgées, jusqu'au dynamitage du 20ème siècle, l'Île Longue qui était une terre tantôt de l'abbaye de Daoulas, tantôt de Landévennec assura un minimum de décence à de nombreuses familles bretonnes.

Pendant la première guerre mondiale, des prisonniers civils et militaires du camp d'internés de l'Île Longue ont remplacé les ouvriers partis au front. Plus surprenant, 45 soldats Américains de la compagnie E du 106e régiment du génie du sergent G.W. Dackery, cantonnés à Brest, vinrent travailler le pavé dans la carrière Omnès-Corre. Les casernements américains de Brest avaient besoin de sols stables…

Des entrepreneurs achetaient des concessions sur le littoral. Les ventes aux enchères faisaient l'objet de publications légales. Une carrière non-ouverte de l'Île Longue de 30 ares 30 centiares est en adjudication à 8000 frs le 12 mars 1914.

Les entreprises étaient de taille très modestes, les effectifs se comptaient souvent en une dizaine d'hommes dont deux tailleurs de pavés expérimentés.Les huit hommes de peines devaient décrocher les blocs de microgranite dans les falaises. La mécanisation fut bien tardive. Les éclats de microgranite étaient alors concassés en gravier jusqu'au sable. Le travail était éprouvant, surtout par beau temps, car la pierre emmagasinait le rayonnement solaire et le restituait envers l'ouvrier qui suait à grande eau sans pouvoir aisément se rafraîchir. Avant de rentrer le soir, les carriers passaient un peu de temps dans les débits de boissons de l'Île Longue ou de Rostellec. Celui de Kernaguelen était le débit le Stum, il y avait celui de Fine Boudé... De sacrées enseignes !

En retrait, le forgeron affûtait jusqu'à plus d'heure les outils de taille qui s'émoussaient vite. Pour comprendre l'importance des pavés, il faut se souvenir qu'ils rendaient carrossables les chemins creux, les avenues, les places, les quais et les places fortes, sans oublier les caniveaux. Le Ministère des Travaux Publics comptabilisa en 1878, une production de 500 000 pavés pour l'année 1875 sur les sites cumulés de l'Île Longue et de Rostellec. Bien qu'impressionnant ce chiffre reste relativement modeste par rapport à d'autres carrières françaises. Quelques archives se souviennent des prix pratiqués. 15 livres le mille (un millier de pavés) en 1609, 38 livres en 1632, 150 francs en 1846 dont 40 francs de charroi (transport) pour les longues distances. Outre les villes et les communes, le client essentiel fut l'armée. Une armée présente "sur place" par toutes ses batteries et surtout le port de guerre de Brest. Les ventes, malgré tout, ne se limitaient pas aux débouchés locaux. Bordeaux, La Rochelle, Rochefort, Lorient, Paris et bien d'autres cités connaissent les pavés de l'Île Longue.

L'avènement du macadam tellement économique fit péricliter la production de pavés.Les carrières exploitées jusqu'aux fronts de la falaise et au-delà, cessèrent leurs activités après la seconde guerre mondiale, progressivement. L'une des toutes dernières carrières fut l'entreprise Corre qui ferma en 1962. Les archives du 19ème siècle cite 25 carrières d'envergures très variées.

*L'Île Longue fut le principal lieu d'exploitation des carrières de microgranite mais les îles de Trébéron et des Morts furent aussi des lieux de taille de pavés. La production quittait les îles par bateaux direction, bien souvent, le port de Brest très proche ou vers les embouchures des fleuves tels que la Seine, la Garonne...